Edito 2015
Aurillac, le festival qui nous délivre… mais de quels démons ?
30 ans de chemins, quelques ampoules et courbatures, la ride qui rigole et une question grave : Que faisons-nous de cette liberté acquise avec douceur et détermination ?
Cela fait bientôt 30 ans que cette terre nourricière du théâtre de rue se rebiffe chaque été pour faire front à l’intolérance et aux xénophobies…
30 ans que nous nous mélangeons, habitants, voyageurs, artistes, 30 ans que nous malaxons une kyrielle de contradictions entre écologie, autonomie, surréalisme, autogestion, vertiges indépendantistes, retour à la terre, prouesses technologiques, trou noir…
Nos expressions artistiques, culturelles et sociales dans les espaces des villes et des campagnes humanisent, végétalisent, animalisent notre vie en société !
Notre petite place forte du Cantal s’inscrit dans cette croyance : l’art d’être ensemble à un endroit et dans un lieu qui nous dépassent… et qui nous font grandir.
Sur ce terreau, les tendances et manipulations de l’art pourraient s’exprimer, sans retenue et sans préoccupation de résultat ?
Oui. C’est bien le défi qu’Aurillac relève, s’écarter des marchés formatés de la bonne conscience, enfoncer le clou du « Yes there is an alternative »…
Nous ne démordons pas du principe que l’activité artistique reste indispensable, pour se laisser aller à l’inconnu et au renouvellement des idées.
Cette année Aurillac sera plutôt centrée sur son nombril « théâtre de rue », avec une pulsion familiale indéniable… Pour les nomades que nous sommes c’est étrange… mais nos feux de camp restent ouverts à tous les artistes de passage.
Nous convoquons l’actualité de la création, notre mission première, et n’oublierons pas de ritualiser notre rassemblement, d’ancrer nos âmes à la parole, de haranguer cet aujourd’hui qui nous met les rêves à vif.
Et puis vous aurez remarqué que cette forme artistique n’en est pas une, et que par conséquent vous devriez trouver de multiples choses dans les interstices du plaisir : des transmissions de savoirs, de l’intergénérationnel qui s’apostrophe, l’ivresse d’une vie de travail accomplie, la disparition du père inventeur, l’indestructible Pape des arts de la rue s’installant définitivement non loin de celui de l’an 1000…
Nous vous invitons à garder le sens de la déraison et de la responsabilité. Pour cela et sans se défiler, cette trentième sera ce que vous en ferez !
Préparez-vous simplement à un rendez-vous incontournable : celui de la veille de toutes les ouvertures, où vous pourrez cultiver votre mémoire et choisir vos amnésies en vous prenant pour une chandelle éternelle à travers les rues de la ville. Un parcours à décerveler les historiens de l’art, à faire briller le creux des rêves et léguer dans l’atmosphère d’éphémères éclairs du génie…
Sous le soleil et les étoiles d’Aurillac, une obstination, et les enfants des enfants des enfants… Juste la mission de rester connecté avec ceux qui aiment le théâtre, la danse, la parole, les idées pour demain en mieux, l’ivresse douce des petits matins rose et bleu ciel. Nous vous préparons votre théâtre à 360 degrés, pour parler à la ville entière*, 24?24, pour que chacun y trouve son conte, puise de l’énergie dans les méandres du bricoler et inventer ensemble…
Générons les utopies de l’expression artistique « libre ».
Ratons mieux, toujours.
Laissons venir à nous ce sentiment parfumé et rugueux de foire à tout, de fête infinie…
C’est ainsi que tambourinent nos coeurs dressés vers le ciel, les pieds dans une terre humide, fertile.
Que vous dire encore ?
Que tout cela ne nous appartient plus et que si vous êtes là, vous serez la régénération.
Que nos soleils brillent !
Jean-Marie SONGY
Directeur du Festival d'Aurillac et du Parapluie
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